P'tite Chronique BD 4
Où il est question d'œnologie, de manga, d'ignorants et même de Michel Audiard
Quoi, tu veux que je lise un manga sur le
vin ? Un manga ? Sur le vin ?? Les trois premiers tomes !
C’est
une suggestion hardie, un rien destructrice, non ?
La preuve, je mets plus de trois semaines à ouvrir le
premier tome.
Le vin, je suis consommateur, j’ai quelques
connaissances qui ne font pas de moi un Connaisseur. Comme tout un chacun, j’aime
certains vins que j'achète régulièrement, au moins je sais qu'ils sont bons. Il n'y a pas de mauvaise surprise. Je sais quand même différencier un bon vin d’une horrible piquette
mais mon palais est peu éduqué... J’imagine mal qu’un manga puisse, avec ses
codes, ses raccourcis, ses artifices et sa simplification parfois outrancière
rendre intéressant (voire passionnant) l’Art si subtil de l’œnologie tel se
pratique et se vit en France ou au Japon…
Le "pitch" est très simple :
Fils d’un œnologue reconnu, Shizuku Kanzaki
n’a aucun goût pour le vin. Au décès de son père, alors qu’il pense profiter
tranquillement de son héritage, il découvre qu’il a un frère adoptif, Issei Tomine, un jeune œnologue déjà réputé et redouté. Par testament, son père les
met tous les deux en concurrence pour découvrir douze grands crus (les douze apôtres) ainsi que le meilleur de tous, le vin idéal : « Les Gouttes
de Dieu ». Le vainqueur recevant la totalité de l’héritage.
C’est la trame de fond. Un concours, un bon
(terriblement touchant par ses faiblesses), un méchant (qui doit apprendre à
écouter ses émotions), un Graal (la quête du vin idéal)… Le cœur du récit, là
où palpite l’intérêt de ce manga, c’est toute l’initiation de Shizuku et de sa
belle associée, l’apprentie sommelière Miyabi (l'amour va-t-il naitre, éclore, se développer entre eux, comme un arôme délicat et subtil ?).
En vérité, c’est de notre
initiation dont il s’agit.
Les mots nous renvoient par analogie à des
images très fortes pour exprimer les sensations éprouvées par les personnages…
Comme le dit Miyabi : "Déguster un vin n’en appelle pas qu’au goût… On
contemple sa robe à la lumière et on l’apprécie en s’enivrant de son bouquet".
Plus loin Issei Tomine nous apprend :
"Cette large bouteille aux courbes féminines contient du vin de Bourgogne
et celle-ci, étroite et aux épaules masculines, est une bouteille de Bordeaux. Pour
rendre les vins âpres et durs de Bordeaux plus faciles à boire, on les
transvase souvent dans un de ces flacons nommés carafes à décanter alors que
l’on peut boire les Bourgognes directement à la bouteille".
"Parce qu’une fois le vin aéré, cet
arôme délicat qui fait penser à la fraise se répand. Si vous voulez décanter un
vin de Bourgogne, il faut le verser doucement, avec componction, afin de ne pas
disperser son arôme".
Plus loin, Shizuku et Miyabi cherchent le
mariage parfait entre huîtres et vin blanc… Ils harmonisent les arômes,
comprennent, par exemple, que le chablis Village Louis Jadot, qui a un léger
arôme de fruits, une acidité prononcée et un peu piquante se renforce et
élimine l’arrière-goût, souligne le corps crémeux et l’arôme iodé des huîtres
auxquelles il doit être associé.
Il réussit le mariage parfait.
"Ce que des Chablis de grands vignobles, des chablis
très fruités et concentrés ne parviennent pas à faire car ils annihilent les
saveurs des huîtres et en font ressortir ce qu’elles peuvent avoir de
déplaisant".
Couverture sur le site http://manga-news.com |
Les Gouttes de Dieu :
seinen manga (Manga pour jeune homme)
Scénariste : Tadashi Agi
Dessinatrice : Shu Okimoto
Editeur : Glenat
seinen manga (Manga pour jeune homme)
Scénariste : Tadashi Agi
Dessinatrice : Shu Okimoto
Editeur : Glenat
31 tomes sortis à ce jour.
Le site français dédié au manga : http://www.lesgouttesdedieu.fr/
Pour ceux que le vin n'assomme pas, il existe aussi la série "Sommelier" 6 tomes chez Glénat. Pas lue. (Mais si vous l'avez lue, écrivez-moi).
La couverture des Ignorants sur le site d'Etienne Davodeau. |
Et puis, il y a toujours parmi les romans
graphiques, "Les Ignorants", Sortie en 2011, chez Futuro. Cette
initiation toute en réciprocité entre Etienne Davodeau, auteur de Bd et Richard
Leroy, vigneron en Anjou qui cultive ses vignes en biodynamie*,
uniquement en cépage chenin et sur de la rhyolithe, roche volcanique venant de l'ère primaire, au bord d'une des failles les plus orientales du massif armoricain (il convenait de le préciser).
Extrait : "Depuis, Septembre, là-dedans, ça
pétille, ça mousse, ça travaille, ça déborde. C’est le moment de l’année où le
vin est un animal plein de sève et de fougue. Il emplit les lieux de ses
humeurs. Elle est fascinante, cette énergie vitale, qui semble s’être librement
mise en mouvement".
Les ignorants, p 200. C’est beau comme du Michel Audiard.
Si vous voulez relire ma chronique de 2011 :
Allez, bonne dégustation.
* Selon
Wikipedia (j’ai la flemme d’aller chercher dans un vrai dictionnaire, Alain Rey
me pardonnera pour cette fois-ci) :
cette méthode a pour idée de départ le concept d'« organisme agricole »
qui consiste à regarder toute ferme, tout domaine agricole comme un
organisme vivant, le plus diversifié et le plus autonome possible, avec
le moins d’intrants (engrais, amendements, produits phytosanitaires,
activateurs ou retardateurs de croissance) en ce qui concerne le vivant
(plants, semences, fumure…).
Développée et expérimentée par les agriculteurs, cette méthode utilise des préparations à base de plantes censées activer ou maîtriser les "forces cosmiques" des planètes présentes dans le sol afin de soutenir un bon processus végétatif et limiter le développement des parasites.
Développée et expérimentée par les agriculteurs, cette méthode utilise des préparations à base de plantes censées activer ou maîtriser les "forces cosmiques" des planètes présentes dans le sol afin de soutenir un bon processus végétatif et limiter le développement des parasites.
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