Clair

Clair, Clair, non mais ça va pas ! Gilbert O', je ne te remercie pas.

Tu n'as jamais fait d'autres succès depuis et ce n'est que justice. C'est mérité. Tu n'es ni Mahler ni Brahms. Ni Paul Mc McCartney. Juste un exploiteur de la mélancolie des gens. 42 ans après, ta bluette me fiche encore le blues, c'est toujours pareil avec ce genre de chansons. Je m'étais juré de ne plus l'écouter celle-là. Blacklistée. Hasard des recherches, je quitte le Pie Jesu du Requiem de Gabriel Fauré
, et voilà. Paf ! Clair !!!

Je me revois à l'arrière de la Simca 1000 bleue de mon père, à pleurer toutes les larmes de mon corps, ou était-ce la pluie derrière la vitre ? Une fin d'été, quoi. Les valises. Retour à la maison. Septembre qui débute. La grisaille. Le collège. Un tube de l'été sur Radio Monte Carlo. 

Merde, je la croyais envolée, cette tristesse adolescente, cette douleur indicible de quitter le sol des Alpes, Chabrières, Piolit, le Morgon, Belle-Île, Saint-Apollinaire et tous les vieux à la peau tannée qui s'y accrochent à longueur d'année. Armand. Jules. Casimir...



L'été s'en va, c'est bien normal, après tout, les saisons avancent et notre vie aussi...



Et voilà ! Gilbert O' (tu permets que je t'appelle ainsi, on est liés par ta soupe, ton sirop), à cause de toi, je suis plongé dans ce souvenir et pas des plus heureux...



En cet été 1972 j'ai pris conscience de l'existence de ces créatures incompréhensibles, repoussantes autant qu'attirantes qu'on appelle LES FILLES. 


Qu'on peut pleurer bêtement à cause d'elles et que la vie ne va pas se résumer à des jeux simples de l'enfance... Que l'existence entière va s'en trouver compliquée. Et que l'absence ou la présence d'une seule auprès de soi peut attrister ou réjouir un univers entier.


Alors, s'il te plaît, arrête de me la jouer, Gilbert O'.
 Je ne sais plus très bien s’il pleuvait au dehors ou à l’intérieur de la Simca maintenant.

  

Ta chanson s'achève.  L'été 72 aussi. Mais la pluie continue.

"Clair" de Gilbert O'Sullivan. 1972. 
Album "Back to Front".