Taormine (Termini).
Vue exceptionnelle sur la ville et sur sa baie à partir des gradins du théâtre antique qui surplombe la vieille ville. Ces vestiges sont grandioses, exceptionnels…
Une scène est disposée pour les représentations estivales et des colonnes en bois y figurent, peintes grossièrement, pâles copies de celles qui entourent la scène.
Techniciens et touristes se mêlent dans la fournaise.
Les ombres s'allongent, les musiciens commencent à arriver, les chanteuses s'expriment très haut et bien fort et les élégantes sont de sortie.
Ce soir c'est "Tosca".
Le théâtre antique de Taormine. |
"Un
homme n'aurait à passer qu'un jour en Sicile et demanderait : «Que
faut-il y voir ?» Je lui répondrais sans hésiter : «Taormine».
Ce n'est rien qu'un paysage, mais un paysage où l'on trouve tout ce qui
semble fait sur la terre pour séduire les yeux, l'esprit et
l'imagination.
Le village est accroché sur une grande montagne, comme s'il eût roulé
du sommet, mais on ne fait que le traverser, bien qu'il contienne
quelques jolis restes du passé, et l'on va au théâtre grec, pour y voir
le coucher du soleil.
J'ai dit, en parlant du théâtre de Ségeste, que les Grecs savaient
choisir, en décorateurs incomparables, le lieu unique où devait être
construit le théâtre, cet endroit fait pour le bonheur des sens
artistes.
Celui de Taormine est si merveilleusement placé qu'il ne doit pas
exister, par le monde entier, un autre point comparable. Quand on a
pénétré dans l'enceinte, visité la scène, la seule qui soit parvenue
jusqu'à nous en bon état de conservation, on gravit les gradins éboulés
et couverts d'herbe, destinés autrefois au public, et qui pouvaient
contenir trente-cinq mille spectateurs, et on regarde.
On voit d'abord la ruine, triste, superbe, écroulée, où restent debout,
toutes blanches encore, de charmantes colonnes de marbre blanc coiffées
de leurs chapiteaux ; puis, par-dessus les murs, on aperçoit au-dessous
de soi la mer à perte de vue, la rive qui s'en va jusqu'à l'horizon,
semée de rochers énormes, bordée de sables dorés, et peuplée de
villages blancs ; puis à droite, au-dessus de tout, dominant tout,
emplissant la moitié du ciel de sa masse, l'Etna couvert de neige, et
qui fume, là-bas.
Où sont donc les peuples qui sauraient, aujourd'hui, faire des choses
pareilles ? Où sont donc les hommes qui sauraient construire, pour
l'amusement des foules, des édifices comme celui-ci ?
Ces hommes-là, ceux d'autrefois, avaient une âme et des yeux qui ne
ressemblaient point aux nôtres, et dans leurs veines, avec leur sang,
coulait quelque chose de disparu : l'amour et l'admiration du Beau".
"Voyage en Sicile" de Guy de Maupassant.
Merci à Maurizio Condorelli de me l'avoir fait connaître.
Textes et dessins © Alain Peticlerc 2014.
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