dimanche 22 décembre 2013

P'tite chronique BD 2 : autour de l'anthropomorphisme et... Blacksad


P'tite Chronique BD 2.

Pour ceux et celles qui n'ont pu venir ce vendredi au Café Littéraire de la Médiathèque de Mauguio, voilà un petit résumé de ma chronique BD qui traitait de l’anthropomorphisme et de Blacksad en particulier, vous n'aurez qu'à cliquer sur les images ou les liens.


L'anthropomorphisme est l'attribution de caractéristiques du comportement ou de la morphologie humaines à d'autres entités comme des dieux, des animaux, des objets, des phénomènes, voire des idées.
Un de nos plus grands anthropomorphes (pardonnez ce néologisme) est assurément Jean de La Fontaine* que nos enfants apprennent encore par cœur aujourd’hui et que Fabrice Luccini reprend en verlan dans ses spectacles.  Au travers des siècles, les fables de La fontaines ont inspiré avec succès de grands dessinateurs, illustrateurs, peintres…. Gustave Doré, Grandville, Benjamin Rabier ou Marc Chagall…

Le Loup et le Chien, illustration de Grandville.

  Au moment où Georges Orwell décrit une révolte et une prise de pouvoir animalière dans "la Ferme des Animaux", Edmond-François Calvo illustre à merveille l’adage de La fontaine : "je me sers d’animaux pour instruire les hommes" avec ce formidable dyptique de 1944, La Bête est Morte qui retrace la 2e Guerre Mondiale chez les animaux avant la fin de celle-ci. Hitler et les nazise sont représentés par des loups cruels. A lire aussi "Rosalie" du même Calvo, qui nous conte l’histoire d’une voiture, mais il "anthropomorphise" aussi les objets, ponts, objets usuels... Ces albums ont été réédités par les éditions Gallimard.


Quelques images de "La Bête est morte" sur le site de la FNAC, sur le site actuabd.com un article de Didier Pasamonik de 2004.  


Des images, enfin, de Rosalie trouvées sur le blog de Li-an et chez Actuabd.com.


Au début des années 1990, "Maus", une BD remarquable en noir et blanc d’Art Spiegelman traite des persécutions des juifs dans les années 30 et 40 au travers de l’histoire de son père, juif polonais rescapé d’Auschwitz. C’est une histoire où les nazis sont représentés par des chats et les juifs par des souris. C’est une œuvre essentielle, a portée universelle. La seule BD à avoir obtenu le prix Pulitzer (et dont je reparlerai bientôt), Maus, sur le site bedetheque.com : 


La série Blacksad est publiée au début des années 2000 sous le pinceau de Juanjo Guarnido et de la plume de Juan Diaz Canales.   





Ce sont les aventures de John Blacksad, chat noir et blanc détective privé, dans la pure tradition des romans noirs de Raymond Chandler (Philip Marlowe : le grand sommeil), Dashiell Hammett (le Faucon Maltais), Ross Macdonald (le détective Lew Archer). De  New York aux états du sud, durant les années 50, John Blacksad résout des enquêtes, y laisse des plumes, revient sur son passé, comme chacun des personnages, dans un monde où les apparences sont évidemment trompeuses…   
Les albums (sauf le dernier) sont écrits à la première personne du singulier, c’est John Blacksad qui nous guide dans les méandres de sa pensée et de ses enquêtes. "Désormais, j’étais condamné à ce monde-là : une jungle où le gros dévore le petit, où les hommes se comportent comme des animaux, je m’étais engagé dans un chemin du côté le côté le plus sombre de ma vie" nous dit-il à la fin du premier tome.




On trouve un florilège d’animaux dont le caractère influence la typologie : l’ami de John Blacksad est une fouine mâle du nom de Weekly, Natalia Wilford est une chatte comédienne, Otto Liebber, un hibou professeur de physique nucléaire, Faust Lachapelle, propriétaire de Lachapelle Records est un bouc richissime, Chad est un jeune lion écrivain, Smirnov un berger Allemand est un commissaire de police tiraillé entre devoir et conscience, etc…   






Les thèmes sont contemporains et intemporels, le racisme, l’ambition, la rédemption dans des histoires où le scénario est écrit et découpé avec précision et science par Diaz Canales.… La chasse aux sorcières et le Maccartisme, le racisme et le Ku Klux Klan, le fascisme, la création artistique et l’évasion dans des paradis artificiels… Comme dans le tome 5, inspiré par les romans de Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William Burroughs…
Les références cinématographiques sont nombreuses : "Angel Heart", "Mississipi Burning" d'Alan Parker, "Sous le plus Grand chapiteau du Monde de Cecil B. DeMille, "La Mort aux Trousses" de maître Hitch, "l'équipée sauvage"... 



Les Photos de Dorotea Lange le site espritsnomades.com


Semblants directement issus des photographies de Dorothea Lange ou de Weegee, les humbles, les exclus, ceux qui sont écartés de la réussite sociale ou dont le destin s'est brisé semblent hanter les albums avec un réalisme saisissant dans une Amérique en construction.

Une très intéressante interiew de Guarnido sur le site slate.fr 

Son dessin est inspiré par les réalisations de Waldt disney et les studios Disney pour lesquels il a travaillé - il y a d'ailleurs rencontré Diaz Canales - mais va bien au delà, c'est une assimilation d'autres influences comme Heinrich Kley, Coby Withmore, Bernie Fuchs, Edward Hopper, et bien d'autres... 
Il travaille son trait à la plume pour les 2 premiers tomes, puis au pinceau depuis sur des feuilles au format A3 et réaliste ses couleurs à l'aquarelle**.

La musique est omniprésente dans les albums… Ainsi, sont égrainées les paroles de "Strange Fruit" de Billy Hollyday. Elles prennent tout leur sens dans le tome 2, album dense, terrible qui traite du racisme, du maccartisme, de l’identité nationale, au travers de l’ascension de l’ours blanc Karup.   Ella Fitzgerald dont le "Old Black Magic" illustre une scène intime dans Blacksad 3.  
"Summertime" de Gerschwin et Edwin DuBose Heyward (pour les paroles) clôturent le tome 4 dans une scène où paroles de la chanson et images se conjuguent de façon intense et bouleversante…

La bande annonce du tome 5 sur Youtube :



Des planches du tome 5 sur le site du monde.fr  et sur Bedetheque.com


Tome 5 : Amarillo
  

Tome 4 : L’Enfer, le Silence

Tome 3 : Âme Rouge

Tome 2 : Arctic-Nation
Tome 1 : Quelque Part entre les Ombres 



* Je ne résiste pas à la tentation de citer Pierre Desproges, féroce avec La Fontaine dans son Dictionnaire Superflu à l'Usage de l'Elite et des Bien Nantis :
"Avec cet effroyable cynisme d'emperruqué mondain qui le caractérise, La Fontaine n'hésita pas à puiser largement dans les ysopets des autres pour les parodier grossièrement et les signer de son nom. Grâce à quoi, de nos jours encore, ce cuistre indélicat passe encore pour un authentique poète, voire pour un fin moraliste, alors qu'il ne fut qu'un pilleur d'idées sans scrupules, doublé d'un courtisan lèche-cul craquant des vertèbres et lumbagoté de partout à force de serviles courbettes et honteux lêchages d'escarpins dans les boudoirs archiducaux où sa veulerie plate lui assura le gîte, le couvert et la baisouillette jusqu'à ce jour de 1695 où, sur un lit d'hôpital, le rat, la belette et le petit lapin lui broutèrent les nougats jusqu'à ce que mort s'ensuive, ce qui prouve qu'on a souvent besoin d'un plus petit que soi. Essayez de vous brouter vous-même les nougats, vous verrez que j'ai raison."
Merci Pierre pour ces précisions. Tout Desproges, p 280. © Seuil, 2008.

** La Galerie du 9e Art, 4 rue de Crétet - Paris 75009 - accueille les planches de Juanjo Guarnido et d'Enrico Marini (les Aigles de Rome) jusqu'au 28 décembre 2013. 

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